À la rencontre des beaux arbres de Nîmes

Les cèdres de Nîmes

Texte de Philippe Ibars, Manuel Adamczyk et Véronique Mure

On trouve beaucoup de cèdres à Nîmes, isolés pour la plupart, plus rarement en petits groupes au sein de ce qui reste d’anciennes propriétés de notables de la ville, vieux témoins ou descendants d’ancêtres d’un XIXe siècle où leur prestance, leur robustesse, leur force symbolique les mettaient en bonne place dans les choix d’aménagements paysagers.
Deux essences dominent : Le cèdre de L’Himalaya (Cedrus deodara) et le cèdre de l’Atlas, (Cedrus Atlantica). Le cèdre du Liban (Cedrus Libani) est moins représenté.
C’est le cèdre du Liban qui nous est arrivé le premier, d’outre-Manche, planté en 1734 par le grand botaniste Bernard de Jussieu au Jardin des Plantes de Paris. Il y vit toujours, près de trois siècles plus tard !
Le cèdre de l’Himalaya a été introduit en Europe au début du XIXe siècle, apprécié dans l’ornement des jardins bourgeois, mais c’est le cèdre de l’Atlas qui s’est massivement répandu, à partir de 1862, d’abord dans les cédraies artificielles du Mont Ventoux, du Luberon ou des Corbières.

D’où viennent les cèdres ?

Le nom « cèdre » vient du latin cedrus, emprunté au grec ancien kedros, provenant de l’akkadien de Mésopotamie signifiant « arbre sacré ». Le cèdre est un conifère qui appartient à la famille des Pinacées. Ce sont des plantes avec des feuilles qui tombent sur des cycles supérieurs à une année, plantes qui ont donc un feuillage sempervirent (toujours vert). Seuls les mélèzes perdent leurs aiguilles. Les cèdres, bien acclimatés en Europe, sont originaires du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de l’Himalaya.

Pourquoi cet engouement pour un arbre ?

C’est d’abord sa fonction sociale, plus qu’utilitaire qui explique le succès du cèdre, quelle que soit sa variété. La stature, le houppier imposant, élégant, avec ses branches déployées en étages, l’odeur même de ce monument naturel en ont fait un marqueur métaphorique du rang social des nobles, des gens d’Église, des bourgeois, des riches propriétaires.
D’où sa présence dans les châteaux, les parcs et les jardins ou ce qu’il reste aujourd’hui, en ville, de ces anciennes propriétés de maîtres.

Ce lien symbolique avec la puissance est historique. Les Mésopotamiens dédiaient le cèdre aux temples. Il protégeait l’homme contre les démons. Il y a plus de 4000 ans, Gilgamesh, roi d’Uruk, le premier héros mythique, entreprend une expédition avec son serviteur Enkidu dans la Forêt des Cèdres pour en déloger le géant gardien des lieux et en rapporter du bois précieux.
Dans l’Égypte antique, on parfumait les habits, l’intérieur des maisons et on embaumait même les momies avec de l’huile essentielle très aromatique extraite du Cèdre. Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, indique que la résine naturelle du cèdre, la cédrie, conserve les cadavres.
La Bible mentionne plus de 70 fois le cèdre. Il répand « la bonne odeur du dieu vivant », il incarne à la fois grandeur divine et fragilité humaine. Bois précieux, il a servi à la construction du Temple de Salomon et symbolise les bénédictions divines.

Qu’est-ce qui caractérise les cèdres ?

Les cèdres ont une hauteur de 15 à 20 mètres, voire 25 pour le cèdre du Liban. Leur port imposant est pyramidal, à flèche droite, avec une cime aplatie. Les branches supérieures sont érigées, celles du milieu très évasées et celles du bas infléchies vers le sol. La flèche du cèdre de l’Himalaya est inclinée. Ses branches sont plus touffues que celles du cèdre de l’Atlas, presque horizontales, à aiguilles plus longues et à ramilles pendantes, ce qui confère à cet arbre un aspect légèrement pleureur qui le rend gracieux, d’où son succès dans l’ornementation des parcs et jardins.
Le cèdre est fait partie des gymnospermes et donc n’a ni fleur ni fruit, juste des cônes mâles et femelles. Les cônes achèvent leur maturité au bout de deux ou trois ans, se désarticulent ensuite sur l’arbre avant de libérer les graines qui ont échappé à l’appétit des écureuils.
Les cèdres sont des arbres peu exigeants, à croissance rapide et d’une très grande longévité, acceptant tous les sols, même calcaires, mais ils redoutent l’excès d’humidité. Le système radiculaire étendu et ramifié protège bien le sol contre l’érosion. Les houppiers, par surcroît, sont des brise-vent très efficaces.

Usages

Le Cèdre du Liban était planté dans les parcs, les jardins et arboretums en Europe, avant d’être détrôné par le Cèdre de l’Himalaya.
Quant au cèdre de l‘Atlas, comme on l’a vu, il a été massivement introduit avec succès non pas pour l’ornement mais pour le reboisement du Mont Ventoux d’abord, avec des semis provenant de cônes importés de l’Atlas algérien. Son adaptation, sa robustesse sur le plan sanitaire et sa résistance à la sècheresse et aux incendies en feront sans doute un arbre intéressant dans un avenir marqué par le changement climatique, et sur un territoire plus vaste.
Si le cèdre en isolé dans les parcs et jardins avait dans le passé un rôle essentiellement social, c’est aujourd’hui la forêt tout entière qui assume ce rôle, en plus de sa fonction économique et écologique. Nos cédraies, grandes ou petites — comme celle, urbaine, des jardins de la Fontaine — sont des lieux de détente, de loisir, de récréation, d’expériences sensorielles multiples pour des promeneurs en recherche de calme, de beauté naturelle, voire d’ombre lorsqu’un soleil trop cuisant nous pousse à son refuge…
Enfin, plus prosaïquement puisque le cèdre est un arbre, mentionnons ses qualités en tant qu’essence : c’est un excellent bois pour la construction navale, depuis l’antiquité, car réputé imputrescible, comme le bois du cyprès. En menuiserie, on en fait des charpentes et en ébénisterie des meubles haut de gamme, ce qui en fait un produit très recherché et explique pour partie la menace qui pèse sur la cédraie de l’Atlas. En aromathérapie, on extrait du bois, des aiguilles ou des bourgeons une huile essentielle réputée agir en usage externe contre le psoriasis, l’eczéma, les mycoses, les rhumes, les bronchites, la toux, etc.

Feu le grand cèdre des jardins de la Fontaine

Tous les Nîmois d’un certain âge ont en mémoire le magnifique Cèdre du Liban, cher à leur cœur, qui trônait au milieu de la place « du grand Cèdre », bien nommée.

Deux cèdres remarquables existent à Nîmes :

  • Le cèdre bleu de l’Atlas existe 31 bd Talabot
. Pour lire sa fiche : cliquer

 

  • Le cèdre de l’Himalaya est visible 20 rue Dhuoda. 
Pour lire sa fiche : cliquer
Vue 35 fois - 1 visite(s) aujourd'hui